Quand les enfants mènent des dialogues pédagogiques avec leurs parents

Quand les enfants mènent des dialogues pédagogiques avec leurs parents
Happy family together, parents with their little child sitting on grass at sunset

La nécessité d’un accompagnement ‘différent’ de la rééducation est née très tôt, pendant mes études universitaires de logopédie (orthophonie) et plus précisément lors d’un stage en 1983 dans l’équipe du professeur Berges (hôpital Sainte-Anne, Paris). Le chemin qui aboutit aux dialogues pédagogiques entre enfants et parents en est le résultat.

Cet article est le préambule d’un futur article plus détaillé et plus complet sur ce sujet. Je vous souhaite une agréable et enrichissante lecture.

Quand les enfants mènent des dialogues pédagogiques avec leurs parents !  

En 2002, mon mémoire, pour l’obtention du titre de formatrice en Gestion Mentale, présentait une approche nouvelle du dialogue pédagogique. J’y faisais également état de l’évolution de réflexions et de pratiques professionnelles sur le partenariat avec les enfants en difficultés scolaires et leurs parents.

Mr. de la Garanderie avait été particulièrement touché, ému, par cette approche novatrice qui met l’enfant au cœur de ses apprentissages et plus précisément dans sa relation avec ses parents. 

Afin de partager la puissance de ces échanges dans l’évolution des enfants et dans le changement de regard des parents, je présenterai tout d’abord brièvement l’historique des dialogues pour ensuite parler de l’entretien d’accueil, du dialogue lui-même et avant de conclure, vous pourrez lire des exemples de réactions des enfants et des parents.

Mener ces dialogues pédagogiques ne s’improvise pas. Ceci suppose des connaissances approfondies en Gestion Mentale, une formation théorique et pratique du dialogue pédagogique de façon à intégrer la posture cohérente et originale, telle que proposée par Mr de la Garanderie, et un approfondissement spécifique aux dialogues enfants-parents.

Naissance d’une intuition

La nécessité d’un accompagnement ‘différent’ de la rééducation est née très tôt, pendant mes études universitaires de logopédie (orthophonie) et plus précisément lors d’un stage en 1983 dans l’équipe du professeur Berges (hôpital Sainte-Anne à Paris). Le chemin qui aboutit aux dialogues pédagogiques entre enfants et parents en est le résultat.

1983, un jour je créerai un centre ! 

Ces réflexions au sortir des études concernaient principalement l’accompagnement des parents et la collaboration entre les différents intervenants. Lors de mes stages, j’avais été frappée par la détresse et le sentiment de solitude qu’éprouvaient les parents face aux difficultés de leurs enfants, solitude éprouvée malgré l’intervention de plusieurs « spécialistes ». Comment les écouter ? Comment prendre le temps de les écouter pour travailler en partenariat ? Quelle juste place leur accorder ? Une autre préoccupation concernait la collaboration entre les différents partenaires, qui, dans ces années, était très peu, si pas inexistante. 

 Les bases du centre mûrissaient et s’étoffaient. 1988 Naissance du centre « La courte échelle » (métaphore au petit coup de pouce discret, mais néanmoins présent, pour faire progresser les jeunes) avec comme projet central : « Accompagner les parents autant que les enfants, travailler avec les différents intervenants gravitant autour de la prise en soin ». 

1989 et toutes les années qui suivent de nombreux allers-retours sur Paris ! Car, inévitablement, toutes ces réflexions m’ont amenée à suivre de nombreuses formations en Gestion Mentale. Et là, un tournant ! Un changement de regard ! Une posture : accompagner les jeunes à découvrir la richesse de leurs processus mentaux, s’appuyer sur leurs forces cognitives et non plus sur leurs difficultés, partir de situations de réussite et non de situations d’échec ! L’inverse de ma formation universitaire !  

La nécessité de repenser la pratique et la relation d’aide s’est imposée : ce sont les jeunes qui m’ont amenée à ce besoin, par leur capacité à entrer en introspection pour s’observer penser. Leur laisser plus de place encore et intégrer les adultes dans cette prise de conscience, de la découverte à l’eurêka parental, une question de partenariat ! 

Il est actuellement beaucoup question de partenariat dans la prise en soin. En Gestion Mentale, le « Partenariat » entre le pédagogue et l’enfant, existe depuis longtemps, il en est même le poumon : dialogue-miroir qui permet au jeune de « re-connaître » son potentiel cognitif, de le contacter et de s’y appuyer pour se rendre attentif, mémoriser, comprendre, réfléchir, imaginer. 

Quant aux parents, aux enseignants, ils sont eux aussi confrontés à une multitude de questions : que faire ? Comment aider ? Que proposer ? Démunis, ils se tournent, à juste titre, vers les professionnels dans une quête d’outils, de réponses, de recettes. Souvent envoyés vers nous après un long parcours, de thérapie en thérapie, de cours particuliers, de diagnostic en diagnostic, de bilan en bilan, on leur a dit, « ce serait bien que votre enfant fasse de la Gestion Mentale ». En effet, la connaissance des mécanismes mentaux qui sous-tendent les difficultés de leur enfant rassure les parents, en tout ou en partie, leur retire un sentiment de culpabilité et, finalement, ouvre des perspectives d’une nouvelle évolution. 

Alors, comment éveiller les parents au fonctionnement de leurs enfants pour les accompagner à ce changement de regard sur les difficultés, et ce, sans tomber dans le travers d’une compréhension trop limitative et restrictive qui réduirait la Gestion Mentale à une méthode de plus, à des trucs et ficelles en prenant quelques exercices sans les fondements théoriques qui les sous-tendent ? En effet, il ne s’agit pas de dire au jeune comment faire, il s’agit de l’accompagner à découvrir toutes ses ressources, ses appuis cognitifs pour qu’il les déploie, les enrichisse et les exploite..

C’est dans ce contexte que sont nés les dialogues menés par les jeunes avec leurs parents.  

En 1992, je proposais déjà des ateliers pour enfants ou pour parents, les parents assistaient aussi régulièrement aux séances. Au fil de ces expériences, des échanges, j’ai été convaincue de l’intérêt de mettre en valeur l’expertise sur eux-mêmes que pouvaient avoir les jeunes. 

Les ‘replacer’ au centre de leur prise en charge ! Oui, ils mèneront eux-mêmes un dialogue pédagogique avec leurs parents avant de partager leur propre fonctionnement ! 

Un entretien d’accueil

Depuis 1989, l’entretien d’accueil fait partie intégrante de ma façon de travailler. Il n’y a pas de bilan, de prise en charge, d’inscription à un atelier, sans cet entretien (différent de l’anamnèse). Au fil des années, j’ai pu constater, observer, à quel point il est essentiel. Il permet l’analyse de la demande, l’écoute des enfants. C’est à l’enfant que je m’adresse en premier : que pense-t-il de venir ici ? Quels sont ses souhaits ? Quelles sont ses attentes ? Que réussit-il très bien à l’école et en dehors de l’école ? Que réussit-il moins bien ? Que ressent-il par rapport à ses difficultés ? Pour les parents : qui fait la demande ? Qu’ont-ils remarqué ? Qu’en pensent-ils ? Quelles aides ont déjà été proposées, etc.. ? Des indices, des hypothèses surgissent, éclairés par les concepts de Gestion Mentale. On leur a dit, « ce serait bien que votre enfant fasse de la Gestion Mentale ». Que connaissent-ils de ce terme un peu ‘étrange ‘? Ce premier entretien est l’occasion également de donner les premières explications générales : qui nous sommes, comment nous travaillons. L’occasion de rassurer l’enfant sur ce qui va être proposé sous le regard de la Gestion Mentale, il ne s’agit pas de juger, d’évaluer, de noter, de mettre des points. Il n’y a pas de bonnes ou de mauvaises réponses. «Je te poserai des questions qu’on ne t’a jamais posées, pour que toi, tu saches comment tu fonctionnes quand tu réussis, que tu saches ce dont tu as besoin (dans ta tête) pour…! »

C’est lors de cet entretien qu’est proposé au jeune et seulement s’il le souhaite de mener un dialogue lui-même avec ses parents, plus tard, quand lui aura découvert ses processus mentaux…   

Au cœur de l’accompagnement : Le dialogue pédagogique   

« Le dialogue pédagogique est un entretien spécifique de la Gestion Mentale, permettant de faire émerger à la conscience d’un sujet, les habitudes mentales qu’il déploie au cours de la réalisation d’une tâche précise. La mise en évidence des moyens pratiques est permise par la démarche introspective » (Vocabulaire de la Gestion Mentale édition Chronique sociale 2022).

Le dialogue pédagogique n’est pas pour le thérapeute, il est pour, et surtout et avant tout, pour le jeune, pour qu’il s’observe penser, qu’il touche au plus près sa pensée, qu’il la palpe, qu’il la comprenne, qu’il découvre un itinéraire mental qui lui a permis la réussite, qu’il observe le sens qu’il met dans telle ou telle activité, qu’il observe ses besoins cognitifs et qu’il transfère ses découvertes. Il ne s’agit pas de l’enfermer dans des cases ou des catégories, il ne s’agit pas non plus de coller (comme, malheureusement, on le rencontre trop souvent) une étiquette de plus :« tu es visuel, tu es auditif». Il s’agit de l’accompagner à prendre conscience à quoi lui a servi telle évocation ou telle autre, quand il en a besoin.  Il ne s’agit pas qu’il nous réponde, mais qu’il se réponde. Un des premiers effets de cette pratique est la confiance intérieure que les jeunes acquièrent en eux, il est très fréquent d’entendre : « Je ne savais pas que je peux faire  tout ça », « mais alors je peux tout », « c’est bizarre de s’observer », « je pensais que j’étais fou »… Ensuite, vient l’entraînement, le réinvestissement des découvertes…

Oui, il s’agit d’un véritable changement de posture, posture colibri selon G.Avanzini. Nous ne savons pas ce qui est bon pour l’autre, nous ne savons pas ce qui se passe dans la tête de l’autre, deux ignorants qui partagent un même chemin. Nous, nous sommes ignorants de son fonctionnement, mais nous avons des connaissances pour l’accompagner, le jeune, lui, est ignorant, pour l’instant, du fonctionnement de sa propre pensée. Dialoguer, c’est reconnaître l’autre comme partenaire, il ne s’agit plus de penser en termes d’enfants, d’adultes, il s’agit de penser en tant ‘qu’êtres cognitifs ‘ sur un pied d’égalitéde penser l’enfant comme un partenaire à part entière. 

L’importance de la prise de conscience par l’enfant de son fonctionnement mental (métacognition) est largement confirmée par les neurosciences (cf. JP Lachaux).

Les dialogues enfants-parents

Quels retours ? quels Constats ? 

Ces dialogues sont avant tout pour les enfants. 

Plusieurs étapes permettent aux jeunes de mener à leur tour des dialogues pédagogiques avec leurs parents, s’ils le souhaitent. Il ne s’agit pas qu’ils deviennent experts, il s’agit de leur ‘proposer des balises’ pour qu’ils accompagnent leurs parents à découvrir leurs processus cognitifs et qu’ils puissent, après, exprimer leurs propres découvertes, en parlant enfin un même langage.

 Un échange riche de joie, d’émotion, d’étonnement ! Je ne pointerai ici que quelques constats les plus révélateurs. Les enfants sont tous dans une réelle écoute, une attention portée aux mots de leurs parents à ce qu’ils disent d’eux qui leur permet de poser des questions, des reformulations avec souvent des propositions. 

  • « Quand vous avez entendu le mot, qu’est-ce que le mot a fabriqué dans votre tête ? » Jeanne (les deux parents sont là)
  • « Tu as vu une image maman, elle était comment cette image ?» Jeanne
  • « Vous avez eu besoin de vous dire dans votre tête avant ou pas…» Zoé
  • « Et tout est ensemble ou c’est petit à petit dans votre tête, c’est comment ? » Sarah
  • « Est-ce que vous avez…, comme si vous étiez en haut, vous avez dû zoomer à un moment ou ce n’était pas ça pour vous…» Laure 

Par ailleurs, beaucoup de jeunes font preuve d’imagination créatrice et improvisent un questionnement ouvert sur les hobbies, notamment, de leurs parents : 

  • « Dis papa, mais toi est-ce que tu fais comme tu as fait là, tu vois, tu suis des cours toi, il se passe sûrement des choses dans ta tête, tu fais comment quand tu te prépares tes cours dans ta tête, dis, tu fais comment ? » Chloé 

Et après les dialogues ?  voici quelques retours

  • Des enfants

« Je me suis appuyée sur vous et j’ai fait comme vous. Quand je leur posais les questions, j’avais l’impression que c’était à moi que les posais dans ma tête. Alors, je m’amusais à y répondre. Je comparais leurs réponses avec les miennes et ça m’amusait de voir les différences et de voir comment ils fonctionnent par rapport à moi » Jeanne

« C’était facile quand c’était avec toi, je croyais que ce serait difficile, et puis en fait, c’est naturel quand on commence à mieux se connaître, ça va comme sur des roulettes » Sarah

  • Des parents 

« Je m’attendais à ce que Douglas se moque gentiment de moi. Mais non, il a paru intéressé par la manière dont j’ai essayé de retenir ce fameux mot. Et j’ai donc appris quelque chose sur lui : il n’y avait plus de compétition entre nous, mais bien la rencontre de deux personnes différentes »

« J’ai compris, grâce à la session finale du stage, ce qu’il voulait dire, cela nous a fort rapproché dans un climat de confiance et de compréhension bien confortables…» Maman de Douglas (voir article)

Ce dont témoignent les parents à la suite de dialogues, n’est pas du tout de l’ordre d’une conservation ordinaire. Les parents s’ouvrent à des échanges dans un domaine où ils n’auraient jamais pensé aller auparavant : de quoi ont besoin leurs enfants pour apprendre, comment ça se passe dans leur tête ? La curiosité est là, le chemin est ouvert et ils le prennent ! 

 Tous, soulignent (parents et enfants) qu’une distance saine s’installe, le conflit sur le plan scolaire disparaît ou, tout au moins, s’atténue, pour arriver à une confiance totale. 

  • « On a cassé la mécanique de la tension » Maman de Thomas
  • « Ils m’ont fait confiance parce qu’ils ont compris que je savais faire mes devoirs toute seule, ils n’ont pas besoin d’être collés à moi » Jeanne
  • « Ils ont plus confiance parce qu’ils savent que je sais comment travailler, si je termine plus tôt ou plus tard, ils ne s’en préoccupent plus » Thomas
  • « C’est son attitude qui a fait changer la nôtre, et c’est autrement. Avant, c’était une terrible spirale qui était vraiment destructrice pour tous finalement »

Et l’émotion, l’importance de cette émotion positive, dynamisante

  •   « Je suis contente qu’ils soient venus faire cette réunion aussi parce que… » Jeanne (devant ses parents) 

Jeanne est incapable de finir sa phrase. Elle est tellement dans son émotion (les parents aussi d’ailleurs) qu’elle n’est plus disponible au métacognitif. Il n’est plus besoin de parler, juste laisser la place à cette émotion palpable, profonde, ils se sentent compris ! C’est cette émotion qui va faire bouger, qui va mettre un cran plus fort à l’intérieur d’eux ce qu’ils ont découvert, ce qu’ils ont déjà appris !

  • « Après on en a parlé, eux aussi ça les a libérés, je préférais qu’ils sachent comment j’avais fait, parce que quand j’essayais d’expliquer, ils ne comprenaient pas, après, ils m’ont dit qu’ils comprenaient. J’ai eu un déclic, j’ai mieux compris…» Jeanne 
  • « Ce que j’ai senti, de la timidité, de la joie, car on pouvait leur expliquer (dialogue de groupe) avec mes mots, c’était chouette.» Viviane

La rencontre avec les démarches mentales de leurs parents leur permet d’approcher la profondeur humaine de la pensée, l’ouverture à la différence. Il y a peu de temps encore, un jeune disait à sa maman, « mais tu sais, on ne fait pas tous la même chose, c’est ça qui est chouette.»

Pour conclure

Accompagner les enfants au dialogue pédagogique avec leurs parents nécessite impérativement un accompagnement structuré, précis, garant d’un apport positif. Ces ‘échanges’ sont avant tout pour le jeune, c’est lui qui est au centre de ce travail.

Ces dialogues ouvrent de nouvelles perspectives que ce soit dans l’approche en Gestion Mentale, comme dans la conception du partenariat enfants-parents- orthophoniste ou professionnel de l’éducation. 

Clairement, il y a un avant et un après le dialogue, non seulement dans la prise en soin orthophonique, mais aussi, de façon plus générale, dans la scolarité et dans le partenariat avec les parents. De toute évidence, un changement d’esprit colore toute la suite de l’accompagnement.

De plus, ces dialogues viennent, en quelque sorte, comme un point d’orgue, comme une consolidation, une intégration importante de leurs découvertes. C’est comme si, lors des dialogues pédagogiques qu’ils mènent, les jeunes mémorisaient, intégraient plus profondément encore la prise de conscience de leur fonctionnement.

Et puis, s’installent un ‘nouveau langage familial’, un changement d’état d’esprit face à l’apprentissage, voire dans la relation enfants/parents. Les parents ne détiennent pas le ‘monopole’ par rapport aux apprentissages, avec une certaine sérénité et une détente. 

Non seulement, les enfants renforcent la compréhension d’eux-mêmes, mais aussi, ils grandissent en humanité : une ouverture à la différence. 

Finalement, la validation, tellement importante pour l’image d’eux-mêmes, de leur intelligence, de leurs capacités est portée par le regard étonné, émerveillé de leurs parents, des adultes, écrivions-nous déjà en 2002.

Et, si, nous nous préoccupions un peu plus des processus cognitifs de nos jeunes, car ces dialogues ouvrent de nouvelles perspectives dans le partenariat parental.  

 Il s’agit véritablement ‘d’une Co-Naissance’. A de la Garanderie

Voir les formations Dialogue pédagogique

 

AF Bouillet 

Fondatrice du centre la courte Echelle

Formatrice certifiée en Gestion Mentale

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